Le « backlash » : quand les avancées en matière d’égalité de genre engendrent des retours de bâton
Dans les travaux de recherche portant sur la diversité des genres au travail, le phénomène de « backlash » que l’on peut traduire par contrecoup brutal ou retour de bâton fait référence à la résistance ou aux réactions négatives qui se manifestent dans certaines organisations en réaction aux initiatives dans le domaine de la diversité et de l’inclusion, tout particulièrement celles qui visent à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.
Ce retour de bâton peut se manifester de différentes manières mais repose toujours sur des mécanismes de résistance au changement.
Le backlash est souvent le fait d’individus ou de groupes qui se sentent menacés par des changements dans la culture ou les politiques de l’entreprise visant à accroître la diversité des genres. Cette résistance peut être alimentée par la perception d’une perte de privilèges ou de statut, en particulier par des groupes dominants au sein d’une organisation (par exemple les hommes, qui sont sur-représentés dans la population de cadres supérieurs). Cette perception peut entraîner une résistance, car ces personnes peuvent avoir l’impression que leurs opportunités de carrière sont réduites ou qu’elles sont injustement ciblées.
Certains salariés du groupe favorisé craignent que les initiatives en faveur de la diversité n’entraînent une discrimination à rebours, c’est-à-dire qu’ils pensent que les efforts visant à promouvoir la diversité des genres pourraient les désavantager injustement en raison de leur sexe.
Les travaux de recherche ont identifié plusieurs types de réactions négatives. La résistance peut par exemple se manifester verbalement (le fameux « on ne peut plus rien dire… »), ou par des actes de résistance passive (par exemple une réticence à communiquer sur les actions en faveur de la diversité, ou une attitude hostile lors de formations destinées à promouvoir l’égalité de genre). Dans des secteurs comme la télévision ou les médias, les réactions négatives peuvent être repérables à travers des discours sociétaux plus généraux sur la méritocratie, l’individualisme et l’équité (en résumé : les carrières devraient être basées sur le travail et le mérite individuel, et « quand on veut, on peut »). Ces discours remettent souvent en question la légitimité des efforts en matière de diversité et d’inclusion, en les qualifiant d’injustes parce qu’ils remettraient en question la notion de mérite et de travail en favorisant des promotions sur le critère du genre plutôt que celui du mérite… ou d’inutiles (parce que les hommes et les femmes seraient différents et que les rôles sociaux traditionnels amènent « naturellement » les hommes à exercer des responsabilités professionnelles lourdes et les femmes à privilégier leur foyer).
Les stéréotypes de genre véhiculés dans ce type discours sont évidemment très forts, ils sont particulièrement prégnants dans les sociétés valorisant une séparation des rôles sociaux selon le genre. Il est intéressant de noter que la perception de menace est plus fréquente chez les individus adhérant à une idéologie conservatrice.
Ces réactions négatives peuvent créer des tensions au sein des organisations, qui peuvent à leur tour affecter la mise en œuvre et le succès des initiatives en faveur de la diversité. Elles ont pour effet principal de perpétuer les dynamiques de pouvoir existantes et entraver le développement d’une culture plus inclusive au travail.
Références :
Lee, D. (2024). Backlash, white privilege and anger: Resistance to the equality, diversity and inclusion agenda in the British television industry. European Journal of Cultural Studies. https://doi-org.ezpaarse.univ-paris1.fr/10.1177/13675494241261812
Lee, J., Yi, J., & Kang, H. (2023). Explicating Workplace Backlash from Social Justice Perspective: A Systematic Review of Types, Consequences, and Coping Strategies. Human Resource Development Review, 22, 345 – 387.