Parité dans les instances dirigeantes : on n’y est pas encore…
Où en est-on de la parité entre les femmes et les hommes dans les instances dirigeants des grandes entreprise françaises ? Une étude réalisée en 2022 par Michel Ferrary, professeur à l’université de Genève et professeur affilié à Skema Business school et spécialiste des questions de genre en entreprise nous apporte des informations qui montrent que les résultats encore décevants au niveau global cachent des situations très diversifiées. Voici quelques faits et chiffres marquants extraits de cette étude :
– Les femmes occupent 45% des postes dans les conseils d’administration en 2022…mais seulement 23,8% des postes de membres dans les comités exécutifs, et 3,75 % des postes de dirigeants (président, directeur général).
– Trois femmes occupent des postes de direction (2 présidentes et une directrice générale).
– La progression du nombre de femmes dans les comités exécutifs est essentiellement attribuable à un effet « ajout de chaise autour de la table » selon l’expression de M. Ferrary. Les entreprises ont augmenté la taille des comités exécutifs, dans lesquels le nombre d’hommes est resté constant (il n’y a donc pas eu de substitution).
– Dix entreprises, que Michel Ferrary nomme les « championnes de la diversité », respectent déjà les critères de parités exigés par la loi Rixain du 24/12/2021 (au moins 30% de femmes membres du comité exécutif en 2027) et la loi Coppé-Zimmermann du 27/01/2011 (au moins 40% de femmes membre des conseils d’administration) . On peut citer en exemple Kering et Schneider Electric. Parmi ces bons élèves, il est possible de distinguer entre les entreprises « féminines » (comme Kering ou BNP Paribas) dans lesquelles la féminisation des instances dirigeantes est le reflet d’une politique volontariste de recrutement des femmes cadres et les « amazones » (Schneider Electric ou Legrand) qui vont encore plus loin, puisqu’il s’agit d’entreprises dans lesquelles le taux de femmes cadres est inférieur à la moyenne mais qui promeuvent activement les femmes aux postes exécutifs.
– A l’inverse, 7 entreprises, que Michel Ferrary nomme « les machistes invétérés » ne respectent aucun des deux critères (dont Airbus et Stellantis). Il est certain que le secteur d’activité a un impact important sur ces résultats : les entreprises industrielles avec une forte proportion d’ingénieurs peinent à recruter des femmes pour des raisons de pénurie de candidates (rappelons que les écoles d’ingénieur ne comptent que 28% de femmes inscrites dans les cursus en 2022). Airbus ou Stellantis appartiennent en effet à la catégorie « entreprises masculines », qui se caractérisent selon l’auteur par une faible proportion de femmes cadres, qui réduit le vivier des promotions possibles.
A partir de ces chiffres, on peut faire des projections instructives. Imaginons un monde où la parité serait parfaite (50% de chaque catégorie). Les 501 postes de membres de comités exécutifs seraient répartis équitablement selon le tableau suivant :
A partir des données de ce tableau, on peut établir que par rapport à une situation de parité parfaite, le fait d’être une femme cadre en 2022 divise par 3,1 les chances d’appartenir à un comité exécutif du CAC 40, au sein desquels sont nommés les dirigeants1 . Il reste donc du chemin à parcourir, mais les chiffres nous montrent que toutes les entreprises n’empruntent pas ce chemin à la même vitesse.
Source : Observatoire SKEMA de la féminisation des entreprises édition 2023
https://www.skema-bs.fr/facultes-et-recherche/recherche/observatoire-de-la-feminisation
1En langage technique, on dit que les « rapports de cotes » entre hommes et femmes sont estimés entre 2,4 et 4,1 fois moins de chance d’accéder à des postes de direction au détriment des femmes.